7. Le Vélo d’Or – Les moyens pour aider le monde


Le Vélo d’Or

Alors, on saute

Ou on attend ?…

On saute dans quoi ?

Ce n’est pas si important…

 

On saute de notre petit monde vers le grand,

On trace une fenêtre et une petite porte sur le monde

Pour y habiter – aussi –, à chaque jour, de plus en plus.

 

On ouvre la porte, régulièrement, et on prend un véhicule simplement

Pour re-joindre les autres et pour se retrouver aussi ;

Ainsi, on roule vert la détente, de plus en plus grande, d’être chez nous, partout.

 

Alors on saute

Ou on attend ?…

On se fait un petit véhicule

Ou on attend un plus grand, absent ?…

 

Un véhicule sans toit ni portes aussi, pour bien sentir la vie,

Sans moteur et tuyauterie non plus, pour ne pas tuer les prés et notre air aussi ;

De toute façon, de l’énergie nous en avons – comme tout ce qui vit –

Et le vent se chargera du reste, ainsi.

 

Enfourcherons-nous la vie avec l’appétit du bon vivant et les yeux de l’enfant

Ou attendrons-nous craintivement d’être empalés par les fruits de notre inertie

Et par l’idiotie de nos agissements endormis ; prendrons-nous la route, enfin,

Pour rejoindre tout le vivant, au fond des temps, ici et maintenant ?…

 

Loin du veau d’or, il gisait et la rouille le guettait,

Pourtant il était chargé de possibilités comme la mère portant l’enfant ;

Il voyait dévalé les passants en quête, dans le calme muet.

 

Il nous attend tout bonnement, prêt à mille changements au fil du temps,

– Nous n’avons qu’à nous y hisser courageusement comme l’enfant qui apprend –

Il est notre Vélo d’Or scintillant au soleil ; fallait-il être aveugle, blessé et dormant.

Reflets dorés. Karen Arnold (PublicDomainPictures).

Les moyens pour aider le monde

Puisque que c’est par Le Vélo d’Or que se sont présentés les premiers aperçus d’un véhicule qui pourrait nous permettre d’aller plus rondement vert nous, nous faisons ici un petit détour historique qui s’impose.

À peine âgé de 19 ans, Nelligan fut interné à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu au tournant du 20e siècle. À partir de ce moment-là, il passa de longues années à ressasser, entre autres, ses poèmes, et ce jusqu’à sa mort en 1941. Il réécrit quelques versions du Vaisseau d’Or dont l’une était intitulée Le Vaileau D’Or. Le dernier vers de son poème « Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du rêve » avait été changé pour « Hélas ! Il a sombré dans les racines du rêve ». Avait-il découvert au fond de l’abîme de la psychose — ultime rêve —, les racines de nos névroses — rêves ordinaires — ?…

Emile Nelligan (40 ans) à l’asile Saint-Benoit-Joseph-Labre, 1919.

Chose certaine, il n’y a pas que dans la poésie de Nelligan où nous pouvons voir des liens évidents entre notre bien-être et celui de ce qui nous entoure ou… entre notre désarroi et les difficultés du monde autour. On dit souvent, par exemple, qu’on ne peut pas aimer autrui si l’on ne s’aime pas soi-même.

Pour ma part, au fil des années, les moyens que j’envisage et que je mets en place pour favoriser ce grand mieux-être généralisé ont pris des formes très variées : j’ai beaucoup travaillé sur moi-même (thérapies, entraide, méditation, etc.), j’ai organisé quelques rassemblements festifs, j’ai transmis ce que je peux dans l’enseignement, je donne de mon temps et de mon argent, et j’ai aussi mis en œuvre quelques autres moyens…

Les moyens pour aider le monde peuvent être présentés en trois catégories. Premièrement, on peut s’aider ou s’améliorer soi-même et on s’entend généralement pour dire qu’il s’agit là de la base de tout changement. Deuxièmement, on peut aider autour de soi : nos proches, des inconnus et des organismes communautaires ; et c’est heureusement là une forme d’aide très répandue. La troisième façon — qui peut aider — est beaucoup moins évidente à délimiter et elle se situe au niveau de l’organisation sociale en général : choix politiques, programmes d’éducation, système de santé, etc. Cette forme d’aide a lieu principalement à travers les gouvernements et leurs institutions qui sont souvent perçus comme des administrateurs, plus ou moins fiables, plutôt que comme des sources d’aide. L’accès à des soins de santé nécessaires ou à une éducation appropriée, par exemple, apparaît tout de même assez facilement comme des facteurs de mieux-être importants.

La classe manuelle. Richard Hall, 1890.

Cette troisième façon d’aider ou d’influencer le monde ne se situe pas que dans nos gouvernements et autres institutions publiques. Elle peut aussi avoir lieu à travers d’autres contextes : la télé, la radio, le marketing des grandes entreprises, etc. Évidemment, on peut souvent douter du caractère aidant des moyens mis en place de cette façon, mais ils n’en demeurent pas moins une source d’aide possible. Nous pouvons souvent trouver là des renseignements ou des produits forts utiles, de même que des représentations artistiques ou culturelles fort agréables.

Mes années de travail et de réflexion m’ont amené à la conclusion que les moyens d’aide pour soi-même et pour les gens autour sont sûrement les plus efficaces et les plus évidents. Toutefois, ces cheminements vers un mieux-être se font — dans un contexte — dont l’influence est fondamentale. Par exemple, il est très intéressant de vivre une expérience d’entraide et de gentillesse dans une classe à l’école, mais au moment où l’on retourne dans le corridor, si c’est l’irrespect et la bravade qui sont maîtres, alors c’est très difficile de changer.

Évidemment, en travaillant très fort sur soi-même, on peut parfois vivre un bonheur beaucoup plus grand et plus stable. Comme nous l’avons vu précédemment, le contexte actuel de dégradation environnementale alarmante et de précarité sociale accrue (terrorisme, utilisation possible des armes de destruction massive, etc.) vient toutefois nous rappeler, hors de tout doute, que notre bonheur dépend — aussi — de ce qui nous entoure et… pas seulement de ce qui nous entoure à proximité.

La paix ramenant l’abondance. Louise Élisabeth Vigée Le Brun, 1780.

Nous devons donc nous munir d’un véhicule qui puisse nous permettre de nous ré-unir entre êtres humains et avec tous les êtres vivants. Un véhicule léger et malléable comme un organisme naturel bien adapté, afin que chacun puisse l’utiliser à sa façon. Comme nous l’avons vu précédemment, un méga organisme comme l’ONU, par exemple, peut être utile pour gérer les relations complexes entre les pays, mais il s’avère étourdissant et très peu accessible même pour un être humain assez instruit.

Notre véhicule, adapté aux caractéristiques des personnes d’instruction moyenne, doit donc permettre aux humains de toutes parts de se relier à travers ce qu’ils ont en commun. Il s’agit d’un Vélo certes, mais d’un Vélo d’Or, qui puisse voyager aussi aux quatre coins de du monde, au-delà des océans et à travers les déserts, aussi. Un Vélo d’Or qui puisse accueillir les humains par petits groupes et par millions, éventuellement.

Un véhicule au gouvernail bien précis et très efficace, mais qui ne transforme pas ses marins en bagnards, à la merci de quelque capitaine aux « intérêts supérieurs ». Ce véhicule on peut l’inventer et le réinventer jusqu’à la nuit des temps ; un Vélo d’Or ce n’est pas tellement difficile à créer, mais ce n’est pas si aisé à enfourcher… Nous aimerions un véhicule tellement éblouissant que l’on puisse se contenter de le contempler, mais ce n’est pas l’Or ni même le Vélo qui constitue le défi, c’est le voyage !

Voyager léger. Murale au Pays basque (phere).

Bref, nous n’avons besoin que d’un organisme, fort simple de structure, où l’on puisse se ré-unir entre humains autour de quelques valeurs communes clairement esquissées, mais laissant place à diverses explicitations. Un genre d’Organisation des Humains Unis tellement simple qu’elle puisse tenir en un court livret explicatif facile d’appropriation tout en ouvrant sur l’inclusion de tous les êtres, graduellement, au fil des initiatives. Un organisme de partages, de célébrations et d’échanges formels, concrets et réguliers pour s’entendre et se rejoindre en nos couleurs communes ; ça peut paraître banal comme un tour de vélo, mais dans un contexte d’ouverture à tout ce qui existe, ça peut prendre des allures de gouvernance mondiale, sans dirigeants ou siège social, pour tendre rondement vert nous !

À venir dans la prochaine publication :
         Le poème : Le Vaisseau dort
         Le texte illustré : La gouvernance de l’humanité      

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4 commentaires à propos de “7. Le Vélo d’Or – Les moyens pour aider le monde”

  1. Bonjour Benoit. J’ai bien aimé tes réflexions sur l’amour de soi et des autres. Je les partage pleinement comme chrétien de foi catholique. J’ai trouvé un véhicule qui est devenu mon Vélo d’Or. Il s’agit de l’Association Notre-Dame, une famille spirituelle où se réunissent des personnes laïques qui désirent vivre le meilleur d’eux-mêmes pour contribuer à la construction d’un monde meilleur. En août 2019, j’ai été élu sur son Service de l’unité (conseil d’administration) comme secrétaire et membre de son exécutif (équipe de coordination). Pendant la période actuelle de confinement, nous avons tenu nos réunions d’abord par Skype et par Messenger avant le recours à la plateforme Zoom qui s’est avérée plus performante. Les membres du Service de l’unité ont dû se résoudre à reporter l’assemblée générale qui devait avoir lieu à la fin du mois de mai à Québec. Ils verront s’il est possible de tenir en personne cette assemblée générale en octobre prochain. Si cela s’avère impossible, une assemblée générale avec la plateforme Zoom est envisagée. C’est à suivre dans la visée des mesures de la santé publique qui seront en vigueur à octobre 2020. Au plaisir !

    • Salut François,
      Je salue bien bas ton engagement et ton implication à l’Association Notre-Dame! Je sais qu’il s’agit là de gestes d’amour très importants et significatifs dans la vie de bien des personnes. Chapeau!
      Je crois aussi que de telles démarches font clairement écho aux reflets dorés et chaleureux évoqués avec le Vélo d’Or! 🙂
      Au plaisir mon ami et à bientôt j’espère!

  2. Merci Benoît, je partage ton intention et conserve précieusement cette belle expression « Vélo d’or » pour la désigner.
    J’en suis là également avec un accent supplémentaire mis sur l’importance de pouvoir compter sur un milieu favorable au développement d’êtres en santé et capables de s’engager, un sol nourricier finalement.
    Quand tu parles du retour au corridor de l’école, je crois que le corridor lui-même pose problème. Il nous faudrait revenir à des milieux non standardisés, davantage ancrés dans les cycles de la nature, offrant des espaces interstitiels et des matériaux modelables qui permettent le jeu, qui offrent la liberté de se constituer des territoires secrets… bref revenir à la forêt (ou la communauté biotique) le plus possible et là aussi on peut y aller modestement et avec les moyens qu’on peut, comme tu le fais déjà de façon si touchante sur ton trottoir urbain ;-).

    • Merci de ton commentaire Pascale.
      Je crois aussi qu’une éducation de la conscience et de l’engagement, sous toutes ses formes (écoles, médias, etc.), est essentielle à l’avènement graduel d’un monde nourricier pour tout le vivant.
      Pour se faire, j’ai aussi l’impression (tout comme toi, je pense bien) qu’il faut se rapprocher de la nature et ses enseignements le plus possible.
      Évidemment, la nature est partout, même dans les corridors bétonnés actuels, mais il est bien plus aisé de la comprendre et de s’en inspirer à travers le feuillage des arbres et le parfum des fleurs! 🙂 … …
      Au plaisir!

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