7. Le bonheur, mais encore…


Chacun évalue à sa façon les divers éléments de sa vie. Faire à manger peut constituer un grand plaisir pour plusieurs, mais être un fardeau déplaisant pour certains. Passer chez un coiffeur peut s’avérer un moment très agréable pour nombreuses personnes tandis que pour d’autres c’est une épreuve. Et il en va ainsi de tout ce que l’on vit. Finalement, la balance qui estime notre satisfaction de vivre penche plus d’un bord ou de l’autre.

En général, nous nous disons heureux lorsque la balance de nos sentiments penche plus du côté de la satisfaction de vivre. Et lorsque cette évaluation est dominante, stable et durable, c’est le bonheur ! On ne peut pas demander mieux pour soi-même !

Au temps d’harmonie. Paul Signac,1895.

C’est mon cas. Je suis heureux pas mal plus souvent qu’autrement et je n’espère rien de plus pour moi-même. Je suis comblé.

J’ai toutefois l’impression que, dans le vaste panorama du monde, il manque trop souvent… le bonheur des autres. Je crois que tout le monde veut vivre le plus grand bien-être possible, mais ce n’est pas toujours évident d’y arriver.

Contribuer au bonheur des autres

En fait, le bonheur des autres ne manque pas à mon bonheur, mais pour demeurer heureux il me semble essentiel d’aider le plus possible les moins favorisés que moi.

J’estime que le bonheur comporte une bonne dose de contentement, une forte impression d’avoir suffisamment de ressources pour être heureux et même d’en avoir assez pour permettre d’améliorer aussi la situation de celles et ceux qui sont moins favorisés. Une grande satisfaction jaillit du sentiment d’être suffisamment comblé pour partager avec les autres et aider le monde.

La Dame de charité. Jean-Baptiste Greuze, entre 1772 et 1775.

Tous les petits succès au fil des gestes visant à aider les autres contribuent largement à ma satisfaction : mes petites contributions régulières dans les organismes qui aident à améliorer le bien-être des humains, des animaux et de la nature en général ; les sourires de ma mère qui apprécie tant son appartement en résidence avec une belle vue sur la nature ; les rétroactions positives de personnes que j’ai aidées directement ; l’espoir dans les yeux des participants que je côtoie lors de manifestations visant à améliorer la vie du monde.

Comme j’explique d’entrée de jeu dans cette série de chroniques, je me considère comme un moineau privilégié ou favorisé par les circonstances. Privilégié de vivre en ce coin de planète sans guerre ou famine, assez démocratique et généreusement organisé socialement. Privilégié d’avoir une rente de pension régulière. Privilégié de ne pas avoir une santé trop hypothéquée. Privilégié de tout l’amour que j’ai reçu et que je reçois encore. Privilégié et… heureux.

En tant que moineau heureux j’ai donc la possibilité d’aider le monde — à ma mesure — et cela me procure une grande joie ! Tant qu’il y aura du malheur chez les êtres vivants et tant que j’en aurai la possibilité, il y aura une partie de mes activités qui visera à aider ces défavorisés…

Les fascinés de la charité. Georges Moreau de Tours, 1890.

La joie de vivre sans frontières

Évidemment, à rechercher le bien-être le plus grand possible pour tous, la satisfaction ne provient pas de l’atteinte complète de l’objectif, car les milliards d’êtres vivants qui pourraient probablement connaitre un plus grand bien-être ne peuvent pas y parvenir du jour au lendemain. Je suis content de faire ce que je peux pour aider les moins favorisés, mais ma satisfaction provient aussi du simple fait de vivre dans une perspective qui inclut tout ce qui existe.

Vivre en aidant les autres autant que possible, c’est un peu comme élargir ma personne au-delà des frontières du familier : mes amis, ma famille, mon corps, mon espèce. Avant de travailler sur moi-même avec l’entraide, les thérapies et autres, je vivais dans un genre de bulle familière très restreinte et tout ce qui était à l’extérieur m’intéressait très peu. Je vis maintenant activement dans le vaste monde sans frontières et c’est réjouissant !

Le bonheur de vivre. Murale, Austin, Texas. (Rawpixel)

Le vaste monde n’est pas tout beau ou tout bon, mais il est d’une richesse infinie. Il y a tant à découvrir ! Même pas besoin de voyager physiquement, car il est maintenant possible d’explorer le vaste monde via l’internet. Il est aussi très possible d’aider les autres d’un bout à l’autre de la Terre sans trop se déplacer. Il n’y a qu’à contribuer virtuellement aux organismes qui travaillent tout autour de la planète à aider les humains, les animaux et la nature en général : dons ponctuels ou réguliers, collaboration par visioconférence, etc.

Lorsque tout ce qui existe prend place ainsi au cœur de ma vie, le bonheur est sans frontières, mais dans tous les cas, le bonheur a ses limites.

Des limites du bonheur

Comme le bonheur est un sentiment d’abondance, il m’apparaît très douteux de constamment ajouter à ma situation personnelle ou familière. Il y a des limites à ajouter des mets sur la table d’un seul individu sans que cela devienne grotesque ou, à tout le moins, passablement moins agréable. Des personnes extrêmement favorisées par les circonstances se retrouvent parfois tout aussi malheureuses — sinon plus — que d’autres, beaucoup moins privilégiées.

Il me semble donc beaucoup plus judicieux de faire rejaillir une bonne part de mon abondance dans le monde qui m’entoure. Les milliards de tables insuffisamment garnies accueillent avec bien plus d’à-propos, et souvent de joie, les mets qui s’y déposent !

La table débordante. Paul Cézanne, 1890.

De plus, il me semble approprié, même d’un point de vue égoïste, d’aider à accroitre le bien-être des autres, car cela augmente les possibilités de rencontrer des environnements agréables. Les gens heureux sont souvent plus accueillants et bienfaisants. Il en va de même des animaux bien traités et même de la nature lorsqu’on en prend soin.

Je crois que le bonheur n’est que le début d’une aventure sans fin qui se déroule dans le vaste monde. Une aventure d’exploration et d’aide aux multitudes moins favorisées. L’aventure d’un petit bonheur qui élargit sans cesse l’étendue de sa famille avec… grand bonheur ! 😊

Un bonheur triste-heureux : une joie tranquille

Le bonheur est bien assis au cœur de la totalité des aspects du monde. Un monde largement éblouissant de beauté et de bonté, mais aussi très souvent affligeant de destruction et d’inconscience. Un monde vibrant de création et de vitalité, mais aussi sujet à la maladie, au dépérissement et à la mort.

Le bonheur — lorsqu’il est bien conscient de toutes les dimensions de la réalité — est constitué de joie comme on s’y attend, mais il est aussi composé d’une bonne dose de tristesse.

La tristesse fait partie du paysage du bonheur comme les lacs et les rivières font partie de la Terre. Leur évaporation produit la pluie qui nourrit la terre et engendre de multiples floraisons. Il n’y a pas de prairies verdoyantes, fleuries et ensoleillées sans les jours de pluie et les sols bien lubrifiés.

Le marronnier en fleurs. Pierre-Auguste Renoir, 1881.

Pour que le bonheur soit durable, il doit être aussi composé de la conscience des éléments difficiles de la réalité. Ainsi, lorsque de tels événements surgissent dans notre vie, la joie tranquille n’est pas emportée par le courant de l’adversité et elle peut subsister.

Vivre un tel bonheur c’est être non seulement heureux, mais bel et bien triste-heureux. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai nommé trois poèmes placés dans le manifeste poétique Le Vaisseau dort que j’ai publié plus tôt.

Lien vers Triste-heureux [1] – Le monde a perdu le nord ! ®

Évidemment, puisque c’est de bonheur dont il est question ici, c’est la joie qui est l’émotion dominante. Une joie continuellement irriguée d’une douce tristesse comme le fleuve qui nourrit la terre en s’y déplaçant tranquillement ; une joie tranquille.

Joie. Victor Prouvé, 1902.
Lien vers Le p’tit bonheur de Félix Leclerc (2 min 58 s)
À venir dans la prochaine publication :
Humanité : le rêve 
  • Un monde rêvé
  • Aux origines du rêve
  • Une voie vers le rêve
  • Un rêve international et interculturel
  • Le rêve au crépuscule

Lien vers la partie suivante : Humanité: le rêve →

Lien vers la partie précédente : L’amour de la nature

Lien vers le prologue

Lien vers les chroniques de La fin des milliardaires (Accueil)  →

Lien vers le manifeste poétique Le vaisseau dort 

 

 


6 commentaires à propos de “7. Le bonheur, mais encore…”

    • Moi aussi j’adore être témoin de l’épanouissement des gens qui font ce qu’ils aiment… c’est malheureusement trop rare à mon goût…
      Mais quand je te regarde aller avec passion, mon ami, ça me réjouit grandement ! 🙂
      Je te souhaite tout le meilleur en cette période de ralentissement physique (plâtre oblige!)… je sais que ça n’est pas dans tes circonstances favorites, loin de là, mais… on ne sait jamais ce qu’on peut trouver dans les chemins moins fréquentés… 🙂
      À bientôt!

  1. Tes mots sont pleins de sagesse. Et il y aurait tellement à dire sur ce sujet. Nous savons aujourd’hui par la science que les humains sont connectés les uns aux autres. Même si nous en sommes souvent peu conscients, le sentiment de bien-être ou de détresse de ceux qui m’entourent affecte mon bien-être personnel. Mais nous vivons dans un monde de rêveries et de fantasmes qui veut nous faire croire que le bonheur se trouve dans une forme de repli égoïste, alors que ce bonheur ne peut exister sans une inclusion socioculturelle toujours plus large.

    • Wow! Pas surprenant que l’on soit ami Yvon ! Pas surprenant non plus que chacune de nos rencontres soit un réel plaisir… un réel… bonheur! 🙂
      À bientôt mon ami !

  2. Très belle réflexion sur un sujet pas si facile à circonscrire. Merci pour ce texte plein de pensées qui font penser… Et que j’aime le choix, toujours judicieux, des œuvres qui accompagnent tes textes. Bye Benoît qu’on n’a pas vu depuis si longtemps et qui nous manque !

    • Allô Nicole,
      Comme je suis content de ce message!…
      Ça fait beaucoup trop longtemps en effet que l’on ne s’est vu!
      Merci pour les bons mots et je vais t’écrire en courriel, afin que l’on se planifie enfin un petit café entre huit yeux… 🙂

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