8. Errances : de l’espérance de vie à la gouvernance de l’humanité


En cet après-midi ensoleillé du mois de mars, je peaufine mes notes en prévision de la prochaine rencontre avec Béatrice. Décidément, ce projet s’est taillé une large place dans mon agenda ! Il surgit régulièrement de nouvelles idées ou interrogations concernant l’émission multiplateforme en préparation.

On dirait que le temps clair de cette fraîche journée me porte à la contemplation. Contemplation du vieillissement, en particulier. De mon vieillissement, encore plus particulièrement ! Ces dernières années, en cheminant à travers la quarantaine, et de façon plus prononcée encore depuis mon arrivée dans la cinquantaine, j’échange de plus en plus souvent avec des gens de mon âge au sujet des « joies » du vieillissement : diminution de la vision de proche, apparition de l’arthrose et autres bobos dégénératifs, diminution de la mémoire et de quelques autres facultés de l’esprit, baisse de l’énergie, etc. Que du bonheur ! ☹ Bon, ce n’est pas vrai, la plupart des gens avec qui j’échange à ce sujet se considèrent comme passablement plus heureux en vieillissant. Plus sages et détendus, assez souvent. Mais, parce qu’il y a un « mais », nous sommes étonnés de cette dissolution parfois lente, mais toujours croissante de nos capacités physiques et mentales. C’est comme si on ne nous avait jamais vraiment prévenus de cela !… On ne s’y attendait pas vraiment. En tout cas, pas aussi rapidement !

Espérance de vie en santé et retraite

Dans le journal, la semaine passée, un spécialiste de la santé mentionnait justement que l’espérance de vie « en santé » ne cesse de diminuer. Pourtant, il me semble bien que ce genre de renseignement ne soit pas dominant. Les politiciens parlent régulièrement de repousser l’âge de la retraite pour s’ajuster à l’espérance de vie qui augmente sans cesse. Mais si on travaille plus longtemps et que l’espérance de vie « en santé » diminue, cela ne signifie-t-il pas plutôt que la durée de la retraite en santé rapetisserait ?…

Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai la chance de bénéficier d’une petite rente de retraite à un âge où très peu de gens ont cette opportunité et je suis étonné de la diminution de mes capacités qui s’opère déjà ! Ne vous y trompez pas, je sais bien qu’il faut alors redoubler d’efforts en ce qui concerne l’activité physique, l’alimentation de qualité et même les exercices mentaux et… je le fais déjà. Toutefois, la dégénérescence graduelle du corps depuis l’âge adulte jusqu’à nos derniers moments est trop bien connue, pour que je fasse fi du fait du vieillissement. D’autant plus qu’il y a aussi un pendant très positif à cette prise de conscience. En réalisant clairement que la vie humaine, en chair et en os, n’est pas éternelle – et qu’elle peut cesser à tout moment ! –, je cherche à vivre le mieux possible, le plus souvent possible !… 😊

Je pense à tous ces grands personnages décédés qui ont œuvré avec acharnement au mieux-être des moins favorisés ou à celui de l’écologie : je me dis que la vie a beau nous donner une bonne espérance de durabilité, plusieurs quittent le monde avant de voir se réaliser une large part de leurs aspirations. C’est particulièrement dommage, dans le contexte où ces grandes « supposées utopies » n’ont d’empêchement réel que notre obstination dans des comportements contre nature ! 

Au fil du temps. Photo : Benoît Guérin, 2017.

Technologies puissantes et croissance de la population sans précédent

La coexistence des populations humaines en très forte croissance, et le développement de technologies plus puissantes que jamais auparavant, constituent un double défi colossal ! Nous pouvons raser d’immenses forêts en quelques semaines au moyen de machineries démesurées et nous pourrions aussi détruire de larges pans de l’humanité en quelques heures en cas de conflit nucléaire ! Nous vivons une situation de haute précarité pour l’ensemble des êtres vivants et pour les humains, en particulier.

La météorite désinformée

En évoquant cette haute dangerosité écologique de notre époque, toute la question des changements climatiques causés par l’humain ressurgit en moi comme un arrière-plan de tristesse. Nous sommes en plein cœur de la 6e extinction des êtres vivants sur la Terre. La dernière a eu lieu il y a 65 millions d’années. Elle était causée par un météorite tombé sur Terre et les dinosaures n’ont pas survécu à l’événement. Le météorite de la 6e extinction que nous vivons actuellement c’est nous, les humains. Ce qui me consterne : nous pourrions cesser cette destruction, mais nous ramons dans le sens contraire ou résistons à adopter de nouvelles façons de faire !… 

La sentinelle #1. Photo : Benoît Guérin, 2017.

Évidemment, comment changer quand un grand nombre de très influents humains falsifient les faits ou sèment des informations contraires pour permettre à la confusion, mère de toutes les inerties, de régner en ce domaine. Même des gens très éduqués peuvent tomber dans le panneau de cette désinformation. Pourtant, une vaste majorité de scientifiques nous disent, depuis très longtemps maintenant, que les changements climatiques actuels sont directement liés à la trop grande production de gaz à effets de serre (GES) des humains. Que ce soit les changements climatiques, la disparition accélérée des espèces, la pollution étouffante des grandes villes ou les océans remplis de plastique et vidés de poissons, notre effet néfaste sur la nature qui est pourtant essentielle à notre survie, est évident. Comment diable en venons-nous à écouter des sources d’informations marginales concernant des sujets liés à notre survie même ? Certains scientifiques peuvent bien être découragés ou même enragés par cette situation déconcertante ! ☹

Gouvernance de l’humanité : absence des plus éclairés ?

Ceux et celles qui constatent les errances de notre temps sont trop rarement aux commandes des regroupements humains : pays, villes et organisations (ONU, OTAN, etc.) et autres cercles de dirigeants (G7, G20, etc.). Je trouve tellement dommage que ces précieuses personnes, qui éclairent les problématiques actuelles tout autant que les pistes de solutions à suivre, nous quittent souvent sans avoir exercé le moindre pouvoir exécutif ! Comment se fait-il que ces sommités en écologie ou en vie sociale ne soient pas plus souvent invitées à prendre part à nos organes de gouvernance ? Qu’on ne leur réserve pas une place de choix, afin qu’ils jouent, à tout le moins, un rôle consultatif prédominant dans les regroupements qui nous gouvernent ?… 

Il est fondamental de respecter les lois qui régissent le fonctionnement de la nature, dont nous faisons partie (!), lorsque nous édifions des règles économiques. Cette prépondérance évidente de la nature sur l’économie devrait être fidèlement respectée par tout dirigeant de l’humanité digne de ce titre. N’est-il pas évident que la Terre peut vivre sans un système économique particulier, mais qu’aucune économie ne peut survivre sans que la Terre la supporte ?… 

Je ne sais pas si c’est l’approche du printemps, la retraite ou l’émergence du projet de Béatrice dans ma vie, mais les idées ou projets que j’ai portés par le passé refont clairement surface, avec toutefois une saveur aigre-douce : il fait bon de rêver ou d’imaginer un monde meilleur, mais cela se fait à travers la vision bien réelle du monde actuel où chaque changement fondamental est tellement difficile à mettre en selle et à réaliser !…

Rêverie. Photo : Benoît Guérin, printemps 2017.

Est-ce qu’un projet comme celui de Béatrice pourrait contribuer à percer la toile néolibérale où la consommation à outrance met en danger notre survie ? Pourrait-il être un des points de départ d’un nouveau canevas où une grande partie des humains trouverait son compte et ce, tout en respectant la nature essentielle qui nous porte ?…

La sentinelle #2. Photo : Benoît Guérin, 2018.

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4 commentaires à propos de “8. Errances : de l’espérance de vie à la gouvernance de l’humanité”

  1. Bonsoir Benoît. J’ai beaucoup apprécié le diner que nous avons partagé le 19 mars dernier. Dans ta réponse à mon commentaire le 16 mars dernier, tu évoquait une question que je t’avais posée: « Saurons-nous être de bons témoins intergénérationnels de nos pratiques méditatives ? » Il faudra revenir sur le sujet, car ce dernier me préoccupe beaucoup quand je considère l’enthousiasme certains jeunes pour cette pratique. Serais-tu prêts à venir témoigner de tes pratiques devant les jeunes du projet Fougère ?
    Au-delà de nos capacités déclinantes réciproques, je t’encourage à poursuivre ta collaboration avec le projet de Béatrice pour contribuer à ta manière à conscientiser nos contemporains à l’importance d’accorder une priorité à la nature sur l’économie à tout prix. Au plaisir !

    • Salut François,
      Ça me fera plaisir de témoigner de mes pratiques liées à la méditation auprès des jeunes du projet Fougères, s’ils en manifestent l’intérêt, évidemment !…
      Qui plus est, cela nous donnerait peut-être une autre occasion de manger et échanger ensemble… 🙂
      Je m’en vais justement, seul, dans le chalet d’un ami pour trois semaines : le contact avec la nature, la méditation, un peu de suivi de travail (écriture, blogue++), de l’exercice…
      Je ferai aussi une petite excursion à Québec pour assister à une assemblée politique durant ce séjour.
      Au plaisir, mon ami !

  2. Je ressens la même grande tristesse et sidération face à la gravité et l’absurdité de la situation dans laquelle nous sommes maintenant collectivement renduEs. Il y a un grand gâchis d’intelligence, de talents et de vie dans nos systèmes communs, et ce gâchis m’est de plus en plus insupportable. Pour moi ce billet pose la question de la façon dont nous nous organisons pour prendre des décisions et agir. Je vois des solutions dans les nouveaux modèles d’organisations (entreprises, organismes ou institutions) qui modifient la façon dont nous exerçons un leadership et nous nous mettons collectivement en action. Nous devons c’est sûr, et c’est déjà en marche, apprendre à fonctionner ensemble autrement et de façon plus organique en respectant et révérant l’apport unique de chacun. Nous devons tabler davantage sur l’intelligence collective et par le faire. Nous devons apprendre ces nouvelles façons de faire groupe à toutes les échelles et à mieux manier la relation difficile avec l’autre et les conflits qui en résulte inévitablement. Notre modèle démocratique est en faillite et ça urge depuis plusieurs décennies ! Voir bien sûr le travail de Frédéric Laloux dont nous avions déjà parlé ensemble mais aussi celui de l’Université du nous, celui de Samantha Slade et son équipe à Montréal, etc. Toutes les solutions sont là depuis longtemps par exemple l’enseignement de la communication consciente à tous et dès le plus jeune âge.

    • Merci, Pascale, pour ce billet riche en réflexions et pistes à explorer!… …
      Tant de voies s’ouvrent effectivement devant nous pour beaucoup mieux vivre en relation avec les autres et avec la nature, en général; tant de voies qu’il vaut sûrement la peine de garder la fenêtre de l’optimisme entrouverte parallèlement à nos actions les plus fournies possible; et… à prendre le temps de se ressourcer aussi, bien sûr! 😊
      À bientôt! xooxz

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