23. Coups de théâtre du quotidien et rencontre d’été


J’avais complètement oublié ma rencontre de ce soir avec Béatrice et Réal ! Bercé dans le rythme de l’été, je me suis endormi, peu à peu, en délaissant l’agenda comme si la journée s’allongeait à travers les semaines…

Ces jours-ci, je prépare un peu mon séjour chez l’une de mes sœurs. Depuis quelques années, je vais souvent chez elle, pendant ses vacances d’été. Je m’occupe de sa maison, de ses plantes et surtout, de son chat. C’est un peu comme un échange de services, car j’en profite habituellement pour faire une petite retraite santé. Je change de décor et je décroche du quotidien. Je me ressource en faisant des pratiques liées à la méditation : attention, contemplation, yoga, étude du fonctionnement de l’esprit, exercices physiques, etc. Je prends le temps de vivre, en dehors du tictac des rendez-vous et des activités quotidiennes. Certaines années je médite plus et d’autres moins, mais j’en profite toujours pour me déposer au moins pas mal plus que je ne le fais normalement au quotidien.

[…] – Évidemment ! dit le Chapelier avec un signe de tête méprisant. J’imagine que vous n’avez jamais adressé la parole au Temps !
– Peut-être pas, répondit prudemment Alice, mais je sais que je dois compter les temps quand j’apprends la musique.
– Ah ! ça explique tout, dit le Chapelier. Le Temps a horreur d’être compté. Alors, que si seulement vous restiez en bons termes avec lui, il ferait tout ce que vous voulez. […]

Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, chapitre 7. Paris : Édition Générale Française, 2009. Édition et traduction de Laurent Bury. Illustration Sir John Tenniel.

Première situation providentielle

Dans les dernières semaines, j’ai aussi eu quelques journées de vague à l’âme. Un petit blues d’été. Puis, avant-hier matin, j’ai reçu un message d’un ancien étudiant qui revenait d’une retraite de méditation et qui voulait me dire que j’avais été une personne importante dans sa vie. Une source d’inspiration pour expérimenter la méditation, s’occuper de l’environnement et aider les humains défavorisés. Wow ! Que ça fait du bien. 😊 Comme je suis chanceux d’avoir fait un tel métier, d’avoir eu une telle opportunité de proximité avec mes élèves. Très peu de métiers permettent cela. Évidemment, l’enseignement comporte son lot de difficultés et particulièrement dans le contexte actuel, comme je vous en ai déjà parlé, mais je crois que c’est aussi la situation de plusieurs autres professions. Et, pourtant, la plupart de ceux-ci ne comportent pas, en prime immense, cette opportunité de tisser des relations enrichissantes.

J’étais tellement touché et content que j’ai proposé à cet ancien élève d’aller prendre un café pour échanger un peu plus sur nos activités et intérêts communs. Il a accepté l’invitation et je crois bien qu’on se verra, quelque part vers la fin de l’été.

Deuxième coup de chapeau de la providence

Hier matin, je soulignais le dernier jour de travail d’une serveuse que j’apprécie beaucoup et qui travaille à mon petit café de prédilection. Elle était très contente de pouvoir s’envoler vers un travail plus près de ses intérêts et j’étais aussi très heureux pour elle. Au fil des échanges, elle me proposa de passer un petit questionnaire en ligne pour établir mon type de personnalité. Elle était persuadée que nos profils devaient beaucoup se ressembler, car nous avons tout plein de points communs. J’ai accepté volontiers et elle m’a envoyé les coordonnées pour répondre au questionnaire. J’ai passé le petit test et nous avons ensuite échangé agréablement des messages à ce sujet. Les résultats me ressemblaient. De plus, elle avait vu juste et, parmi les 16 profils de personnalité possibles, les deux nôtres étaient effectivement très rapprochés. Tous ces échanges autour d’un petit test mettent en lumière une relation qui, au fil des mois, est devenue beaucoup plus près de l’amitié que du cadre formel d’un commerce.

La vie c’est vraiment fou parfois ! Les brefs échanges des derniers jours sont comme un vent de fraîcheur qui est venu souffler sur mon vague à l’âme et il s’est largement dissout. C’est comme un ciel très gris, un jour de pluie, qui fait simplement place à de larges éclaircies. C’est agréable et… un peu déroutant de voir des états d’âme aussi différents se succéder si aisément.

Jamais deux sans trois 

Puis, cet après-midi, un peu comme certains jours les nuages disparaissent soudain complètement et le soleil prend toute la place, j’ai reçu un autre message inattendu d’un ancien élève. Il m’a donné un peu de nouvelles et m’a demandé si on pouvait se rencontrer pour qu’il puisse me parler de projets qu’il mijote et pour lesquels il aimerait bien avoir mon avis. Wow ! Encore une fois. Comme je suis choyé. Et comme c’est touchant. C’est la deuxième fois que cet élève me fait une belle surprise semblable. L’année suivant son départ du secondaire, il m’avait aussi suggéré d’aller prendre un café pour échanger un peu. J’avais accepté avec plaisir, comme cette fois-ci d’ailleurs, et cela avait été une rencontre très nourrissante.

Décidément, la vie c’est parfois un peu déjanté !

Un peu déjanté tu dis ? Photo : Benoît Guérin, 2015.

Bon, je suis encore une fois un peu décalé de l’horloge et, en y jetant un coup d’œil, je réalise que l’heure de ma rencontre avec Réal et Béatrice approche à grands pas…

Rencontre d’été au café

J’arrive au café et Réal est déjà là, près d’une fenêtre baignée du soleil de début de soirée. Il est captivé par une lecture et il ne me perçoit pas arriver près de lui. Je l’interpelle sérieusement : « Est-ce que je peux vous déranger ? » Il me répond, tout aussi sérieusement : « Pas vraiment. » Puis, dans la foulée de ce prélude amical, nous nous saluons très cordialement en nous informant, de nos états d’âme respectifs. Il me dit qu’il vient tout juste de recevoir un texto de Béatrice l’avisant qu’elle a un contretemps, mais qu’elle sera tout de même des nôtres, dans à peu près une heure.

Nous profitons de ce petit détour de programmation pour échanger un peu entre gars. Réal me raconte qu’il apprécie toujours autant la nouvelle perspective spacieuse de la retraite. Il trouve beaucoup plus agréables l’espace et le rythme de ses journées actuelles que celui du travail, en comparaison avec les dernières années au boulot. Il commence à retrouver l’envie de retourner se tremper un peu dans la réalisation d’émissions ou d’autres projets. Il s’empresse de me préciser – avec insistance – qu’il ne s’agit vraiment pas de retourner dans la même folie de travail dans laquelle il a terminé sa carrière : « J’ai envie de retrouver la stimulation liée à la réalisation de projets qui me fascinent, mais vraiment pas la pression et les charges d’ouvrage surdimensionnées qui viennent souvent avec le travail rémunéré ! Je ne sais pas si ça se peut, mais je veux vraiment trouver une façon agréable ou, en tout cas, non éprouvante de travailler à la réalisation de projets que j’aime. L’idée fait son chemin, comme on dit !… »

Projet d’aménagement de la Grande Galerie du Louvre. Hubert Robert, 1796.

Dans la foulée de ces évocations de contextes stimulants, mes récents échanges informels avec d’anciens élèves me reviennent en mémoire et j’explique brièvement à Réal combien ils ont été plaisants. Je lui précise ensuite combien je trouve gratifiant le coaching que je fais, ces dernières années, avec différentes personnes. Je souligne aussi tout l’intérêt que j’ai à travailler avec Béatrice et à faire différents bénévolats : « Toutes ces nouvelles activités post-enseignement sont très stimulantes et me semblent bien essentielles à mon bonheur. Je comprends tellement que tu en viennes à retrouver l’envie de projets stimulants ! »

Dans l’intervalle de petits hochements de têtes qui suivent, une idée émerge et je lui lance : « Pourquoi tu ne travaillerais pas au projet de Béatrice, tant qu’à donner dans les projets stimulants ? »

Il me fixe assez longtemps, la bouche entrouverte et la tête dodelinant doucement d’un côté à l’autre comme pour soupeser l’idée… « Ouais !… Je ne sais pas… je suppose que c’est une idée… faudrait voir… » En tout cas, l’idée est bel et bien lancée et nous jouons ensuite un peu avec celle-ci en précisant, bien sûr, que Béatrice demeure l’élément fondamental et incontournable de toute équation à ce propos.

Nous poursuivons les échanges en reprenant contact avec nos savoureux lattés qui ont refroidi, à notre insu. Les discussions dérivent graduellement vers des sujets plus près de nos préoccupations estivales : promenades, vacances et autres glandages !

Tout à coup, dans la lumière rose orangé des dernières heures de la journée, apparait Béatrice. « Bonsoir les garçons ! Comment allez-vous ? » demande-t-elle en se laissant tomber dans une chaise avec une appréciation non dissimulée. De longs échanges et comptes rendus de nos vies respectives des derniers mois jaillissent joyeusement. L’ambiance laisse transparaître le plaisir que nous trouvons à discuter ainsi, simplement, sans dessein particulier.

Fin de journée. Photo : Benoît Guérin, 2018.

Béatrice interrompt la fluidité des propos : « Que c’est plaisant de discuter ainsi ! Il me semble que ça fait mille ans que je ne me suis pas laissé aller comme ça. Bon, j’exagère un peu, mais je crois que ça illustre bien mon état d’esprit. J’ai tellement envie de juste me détendre – sans me casser la tête – profiter des belles journées, de la nature et des amis, tout bonnement. C’est l’été qui fait cela ? »

« Évidemment que c’est l’été ! répond Réal. Une chance qu’il est là pour nous rappeler, au moins une fois par année, que la vie ce n’est pas seulement le travail, aussi plaisant soit-il ! » Là-dessus, Béatrice se lève pour aller acheter un latté glacé, afin que l’on puisse trinquer convenablement à ce bon moment et à l’été !

Un ordre du jour pour honorer l’été ! 😊

Nous continuons à parler de tout et de rien dans un contentement palpable, puis Béatrice interrompt de nouveau le cours tranquille de la discussion : « Je suggère qu’on adopte un ordre du jour complètement vide en l’honneur de l’été et malgré tout ce qu’il reste à faire pour sauver le monde. Qu’en dites-vous ? »

Je réponds : « Je seconde la proposition et j’en profite pour ajouter que, de toute façon, il se pourrait bien que Réal vienne bientôt grossir les rangs de ceux qui mettent l’épaule à la roue pour travailler à la réalisation de La fin des milliardaires ! »

« Wô ! Wô ! Pas trop vite ! » réagit promptement Réal avec un petit sourire en coin. Puis, il spécifie à Béatrice que l’idée a plutôt surgi de moi et qu’il est encore en réflexion.

Béatrice l’interrompt : « En tout cas, mon cher Réal, tu feras bien ce que tu voudras, mais je peux te dire tout de suite que ton aide – quelle qu’elle soit – serait hautement appréciée ! Un homme avec ton expérience et surtout, avec toutes les extraordinaires productions que tu as déjà réalisées, ne pourrait qu’être qu’un immense atout dans mon projet ! »

Je reprends le flambeau de la discussion : « Bon, bon, j’avoue que j’ai un peu dévié de l’ordre du jour estival qu’on venait tout juste d’adopter. Je suggère qu’on y revienne tranquillement !… »

« Tout à fait d’accord, convient Béatrice, mais pour sceller la petite ouverture sur une éventuelle participation de Réal à mon projet, je lui lance tout de même une invitation formelle pour un tête-à-tête, à l’automne : je pourrais alors t’exposer l’état actuel du projet et les filons de réalisations envisagés. »

« C’est bien beau pour moi, répond Réal, mais là on passe à autre chose. Parlez-moi plutôt des projets de vacances que vous avez encore pour aménager le reste de l’été… »

Les échanges se poursuivent jusqu’à la tombée du jour à travers les chaudes couleurs du soleil couchant… …

Avant de quitter, Béatrice et moi considérons un prochain rendez-vous, de travail cette fois-ci, autour de la grande rentrée de septembre. On précisera cela plus tard…

Tomber de rideau enflammé ! Photo : Benoît Guérin, 2018.

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4 commentaires à propos de “23. Coups de théâtre du quotidien et rencontre d’été”

  1. Comme tu le décris si bien à ta manière, la vie nous réserve souvent d’agréables surprises dans la visée de notre ancien travail professionnel en éducation. Tu évoques deux rencontres enrichissantes que tu as vécues avec d’anciens étudiants. Mon implication sur le conseil sectoriel de l’AREQ (Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec) m’amène à entrer régulièrement en contact avec d’anciens collègues que j’ai côtoyés pendant ma vie professionnelle. C’est toujours valorisant de constater que nous avons pu faire une différence dans la vie de certaines personnes, souvent à notre insu. C’est encore possible de vivre des rencontres enrichissantes alors que nous sommes retraités de la vie professionnelle rémunérée. C’est ce que je te souhaites de vivre pour te garder alerte et engagé dans la visée des convictions qui t’habitent. Au plaisir !

    • Merci pour les bons mots et vœux, François, j’apprécie…
      Je ne doute pas une minute que tu aies reçu « des tonnes de messages » de gratitude d’anciens collègues, car je t’ai vu à l’oeuvre et j’ai moi-même bénéficié amplement de tes bons services tellement généreux et enjoués! J’en profite pour te remercier ici formellement, mon ami.
      Je suis aussi persuadé que tu fais encore le plus grand bien à de nombreuses personnes à travers tes engagements actuels…
      Bonne continuité et au plaisir!

  2. Bonjour Benoît. Je viens de relire ton commentaire ci-dessus. à mon tour de te remercier pour tes bons mots à mon endroit. J’ai toujours essayé d’être vrai dans mes relations. Ces dernières sont d’autant plus significatives. Au plaisir !

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