Hier j’ai fait une petite virée à vélo matinale à destination de mon café de prédilection. J’y ai discuté assez longuement avec l’un des habitués avec qui j’aime bien échanger. En apercevant le titre du manuscrit que j’écris actuellement La fin des milliardaires, il s’est exclamé, à la blague : « Tu veux me faire disparaître ! » En fait, il n’est vraiment pas riche, mais beaucoup d’aspects reliés à la finance et l’économie l’intéressent. Je sais qu’il doit prendre soin de quelques placements afin d’assurer sa subsistance à la retraite, mais je crois qu’il aime aussi réfléchir et approfondir ces sujets, simplement.
Ce qui rend nos discussions intéressantes ? Malgré certaines divergences de point de vue, nous avons en commun des façons de vivre et intérêts fondamentaux : entraide, méditation, étude du fonctionnement de l’esprit et tenter de vivre avec le plus de bonté possible ! 😊
Dans l’échange de ce matin, il disait que la richesse des milliardaires est en grande partie virtuelle. En effet, toutes les actions détenues par les gens sont incluses dans le calcul de leur richesse et ces titres constituent une partie importante du financement de certaines entreprises : ce n’est pas de l’argent immobilisé dans des comptes bancaires ou dans des immeubles. Il est donc légitime, disait mon interlocuteur, d’estimer que ces richesses aident à faire vivre les travailleurs des entreprises où l’argent est investi.
L’argument me semble de taille et mérite d’être minutieusement analysé… D’autant que mon compagnon de discussion concédait volontiers que la discrétion ainsi donnée à quelques très riches personnes de favoriser, par les investissements qu’elles choisissent, une sphère d’activité plutôt qu’une autre constituait un pouvoir qui devrait plutôt être détenu par la collectivité.
Mon analyse m’amène tout de même à émettre quelques interrogations. D’abord, l’argent placé en banque n’est-il pas tout aussi virtuel que ces titres financiers d’entreprises ? Et ne permet-il pas aussi de faire vivre des employés d’entreprises financées au moyen de cet argent prêté aux institutions financières ? Et… dans les deux cas, la problématique réside toujours dans cette même concentration démesurée des fruits du travail dans les poches, si virtuelles fussent-elles, de quelques-uns !… ☹
D’ailleurs, plusieurs entreprises vivent très bien en utilisant uniquement un financement d’institution financière ou les petites cotisations de leurs membres coopératifs ; ces grandes richesses personnelles sont-elles alors vraiment essentielles à l’économie ? D’autant plus qu’elles se trouvent habituellement investies dans des actions d’entreprises de très grandes tailles, voire multinationales, celles-là même pointées du doigt dans l’utilisation des stratagèmes comptables – dont celui des paradis fiscaux – visant à payer le moins d’impôt possible. Rappelons ici que ces stratagèmes financiers, même lorsqu’ils sont légaux, sont l’une des sources principales de l’appauvrissement constant (en proportion des populations) des nations qui dépendent de ces revenus pour redistribuer les ressources essentielles aux majorités de personnes moins favorisées.
Tout de même, les richesses virtuelles personnelles investies dans les entreprises constituent une dimension à ne pas perdre de vue dans un projet comme celui de Béatrice. En particulier, il y a là de quoi renchérir sur l’importance de dépersonnaliser la quête de fin des milliardaires et viser surtout l’envie répandue de devenir très riche. Il ne faut surtout pas commencer de malheureuses chasses aux sorcières : je suis persuadé que plusieurs parmi les milliardaires actuels peuvent s’avérer d’importants atouts sur la route menant à une humanité unifiée solidaire et écologique.
Vieillissement, écarts de richesse et soins de santé
De passage dans mon petit café coutumier ce matin, j’ai un peu de difficulté à digérer. Je veux dire digérer physiquement, pas autrement. Cela dure depuis plusieurs semaines : entre les ajustements de pilules et les examens, je vis mon quotidien avec comme une boule qui obstrue souvent l’œsophage. Ah, la santé ! Comme il est difficile de passer à autre chose lorsqu’elle est hypothéquée…
Juste ces jours-ci, j’ai croisé un ami qui vit difficilement les suites d’une opération au genou, je vois régulièrement un autre ami qui s’est fait enlever un lobe de poumon et qui remonte la pente lentement, et d’autres sont aux prises avec l’arthrose ou des maux de tête récurrents. Bref, la maladie se porte plutôt bien lorsqu’on vieillit !… Elle se conjugue autant dans des états chroniques éprouvants qui alternent avec quelques éclaircies, que dans de plus courtes séquences très lancinantes, ou encore lors de périodes de malaises doublés d’incertitude ou d’inquiétude…
La maladie peut sembler éloignée des préoccupations politiques ou économiques, mais lorsqu’elle nous touche, personnellement ou à travers nos proches, on réalise plus concrètement la nécessité de redistribution des ressources pour assurer le bien-être minimal de chacun. Les soins de santé accessibles varient beaucoup en fonction des moyens financiers des gens. Dans mon pays où tous ont accès à une panoplie de soins de base gratuits, il subsiste tout de même de grandes différences !… Si on est riche et qu’on se retrouve soudainement très malade ou hypothéqué à la maison, après une opération chirurgicale importante par exemple, on peut aisément se payer un équipement facilitant (lit électrique et autres) et même du personnel soignant privé aussi longtemps que nécessaire. Cela est impossible pour la majorité des gens. En conséquence, de nombreux proches aidants se retrouvent sporadiquement en situation de grand désarroi ou d’épuisement et les malades concernés risquent fort de recevoir des soins de moins grande pertinence ou qualité ! ☹
De telles situations d’écart entre les riches et les gens moins favorisés sont plus prononcées dans la plupart des autres pays. Toutes les situations me semblent toutefois issues d’une même source : le manque de ressources disponibles, qu’il s’agisse de ressources personnelles (salaires et autres revenus) ou collectives (services financés par les taxes et les impôts). Celles-ci ne pourraient-elles pas augmenter significativement, en redistribuant les immenses richesses retenues dans les poches d’une minorité d’individus et d’entreprises ? Et… nous y revoilà : encore les milliardaires, les autres richissimes personnes qui surgissent dans le portrait !…
Dans la longue chute libre au cœur du terrier du lapin, celle qui mène de la réalité figée au réel bien vivant alimenté par le rêve, le chemin est balisé de nombreuses indications invitant à transformer les grandes disparités en un terreau beaucoup plus équilibré et passablement plus fertile !… 😊
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On juge de la qualité et la pertinence d’une organisation sociale à sa faculté de faire vraiment une différence quand on est malade ou qu’on a un être cher malade… Apparemment à Cuba on aurait au moins ça par rapport à d’autres îles plus « développées » : un bon système de santé humain et équitable. Au Québec, la litanie actuelle des échecs de notre système de santé et la médiocre prise en charge des plus âgés nourrit beaucoup la méfiance envers les politiques et le gouvernement. C’est très juste : Ce ressenti de tristesse et d’impuissance sociale vis à vis de la maladie doublé du sentiment d’inégalité est sans doute un déclencheur potentiel de la motivation à améliorer en profondeur nos organisations sociales. Là aussi on ne peut attendre tout des institutions ou des entreprises. Il faut aussi faire sa part en tant qu’individu pour soi et pour les autres. Ça passe par une amélioration de notre compréhension individuelle et de notre conscience d’être un être vivant bien présent aux besoins de son corps et à ceux de son écosystème. À mon avis et plus encore peut-être que de moyens supplémentaires, ça prend aussi des institutions plus agiles qui travaillent davantage en prévention et avec les principaux intéressés.
Salut Pascale!
Ton commentaire souligne de bien pertinents aspects de la question de la santé, je trouve!
C’est en effet un sujet à multiples volets allant de l’accroissement de la conscience et des ressources jusqu’à l’amélioration des façons de faire et l’implication de chaque personne…
Vaste programme, mais ô combien essentiel, n’est-ce pas?
Et on retrouve en effet sans doute de très belles expériences d’amélioration d’accès généralisé à la santé (et à l’éducation) dans les pays à visées socialistes ou même communistes comme Cuba ou les anciens pays du bloc de l’Est. Je crois d’ailleurs que de nombreux citoyens de ces pays anciennement campés dans le communisme s’ennuient de ces dimensions de vie passablement plus fleurissantes dans ces régimes – malheureusement dictatoriaux. Peut-être qu’un jour – pas si lointain, je le souhaite – vivrons-nous dans des organisations semblables à ce propos, mais tout à fait démocratiques!… 🙂
Qui a dit que le « pays des merveilles » devait se limiter aux frontières de l’imaginaire? Qu’il se lève et… 🙂
Au plaisir!
Tes commentaires sur les maladies qui apparaissent au fur et à mesure du vieillissement me rejoignent directement. Je suis moi aussi un candidat qui souffre de l’arthrose. Après avoir reçu avec soulagement des injections de Synvic One dans le genoux gauche depuis quatre ans, je viens de constater que ces injections ne fonctionnent plus. Je viens de prendre de nouvelles radiographies de mes genoux et j’irai rencontrer mon orthopédiste sous peu. J’anticipe le remplacement total de mon genou gauche dans un avenir rapproché. Heureusement, cette opération est assurée par le système public. C’est à suivre. Au plaisir !
Salut François,
L’arthrose peut effectivement être passablement pénible! Je ne suis heureusement pas rendu là de mon côté, mais je suppose que ça viendra bien! J’espère que la suite des choses à ce propos se déroulera au mieux possible de ton côté…
Au plaisir! 🙂