10. Méditation sur l’enseignement


C’est un début d’avril classique. La température se promène entre élans printaniers et régressions hivernales passagères. On sent tout de même que les dés sont jetés : le printemps finira par s’installer au fil des jours, de plus en plus lumineux… Je vais particulièrement bien aujourd’hui. Je me sens détendu et content. Ce matin, j’ai déjeuné avec mon frère d’hôpital. Nous nous sommes rencontrés dans une chambre d’hôpital, il y a bien des années. Une période mouvementée de ma vie. Un de ces bas-fonds qui succédait invariablement à une période d’excès !

Lui aussi se retrouvait dans un lieu qu’il avait déjà visité. Pour d’autres raisons qui étaient bien plus hors de son contrôle. Pour des problèmes de santé dont la source semble parfois enfouie bien loin dans le passé. Des contextes bien peu favorables. Des prédispositions problématiques aussi, peut-être…

Toujours est-il qu’en se retrouvant compagnons de chambre, la chimie a tout de suite opéré. Des échanges respectueux, intègres et créatifs. Des liens aisément tissés et que nous maintenons bien vivants depuis ce temps à travers des rencontres trop rares, mais régulières, au fil des ans.

Plus tard dans la journée, j’ai écouté des enseignements en ligne sur des sujets reliés à la méditation. Des enseignements donnés par des gens qui ont beaucoup étudié et médité sur les façons de vivre qui rendent malheureux et celles qui mènent au bonheur. Ils ont fait toutes ces démarches en étant guidés par des enseignants issus de traditions qui existent et se renouvellent depuis plusieurs centaines d’années. Et maintenant, ils redonnent ce qu’ils ont reçu en transmettant, à leur tour, des connaissances et des méthodes qu’ils ont longuement expérimentées. Je me sens vraiment privilégié d’avoir accès à tout ça via internet !

Après avoir écouté attentivement quelques enseignements très inspirants, j’ai moi-même médité une heure, afin de bien digérer ce que je venais d’entendre. Et, comme cela est très souvent le cas, je me suis relevé de ma méditation assise, plus détendu et satisfait. Moins stressé ou anxieux. Les idées plus claires et moins agitées. Dire que je n’ai rencontré cette grande source de connaissances et de méthodes d’entrainement qu’après mes études universitaires ! Je me souviens encore de ma stupéfaction en réalisant qu’on ne m’avait jamais même présenté un aperçu de cet immense champ d’activités reliées à la santé mentale et physique. Et pourtant, mon programme universitaire comprenait une bonne part de cours en psychologie.

Aujourd’hui, heureusement, la méditation et d’autres pratiques connexes font leur entrée dans plusieurs universités, et ce entre autres dans les facultés de médecine. Non seulement on y apprend les bases théoriques, mais nos futurs médecins expérimentent aussi directement ces techniques. Ce n’est pas étonnant puisqu’un très haut taux de burnout est observé chez ces étudiants de médecine et la méditation a fait ses preuves en ce qui concerne la diminution du stress.

Méditation. William-Adolphe Bouguereau, 1885.

Évidemment, ma situation récente de retraité de l’enseignement me permet plus facilement d’aménager de telles pratiques dans mes journées et j’en suis tellement content. La semaine passée, j’ai décidé d’arrêter une implication de bénévolat en soins palliatifs que j’avais pourtant à peine commencée depuis quelques semaines. J’avais déjà fait ce genre de bénévolat au même hôpital durant mes années d’enseignement, mais beaucoup d’éléments accrochaient cette fois-ci : ça ne passait pas ! Contrairement à un travail rémunéré, qui est notre gagne-pain, le bénévolat permet ce genre de choix. Je fais d’ailleurs d’autres activités bénévoles depuis ma récente retraite de l’enseignement. Je compte bien regarder pour combler cet espace laissé vacant par la fin prématurée de ma démarche avec les soins palliatifs. Peut-être je vais regarder du côté de l’aide aux sans-abris. On verra bien…

En tout cas, ma situation privilégiée de personne ayant accès à une rente de retraite me revient encore une fois en mémoire. Lorsque mon travail était mon gagne-pain, j’ai fait quelques pirouettes bien senties, afin de le conserver !…

De l’éducation

Tel qu’évoqué précédemment, mon dernier travail rémunéré (pendant 22 ans) était l’enseignement. Plus particulièrement, l’enseignement en formation de la personne pour les finissants de l’école secondaire (16-17 ans). Ce champ d’enseignement inclut plusieurs cours et thématiques comme l’éthique, l’orientation et tout ce qui a trait au développement personnel (psychologie, philosophie, etc.) ou professionnel. J’ai adoré ce métier ou cette profession et j’y ai eu de très belles années. Toutefois, comme dans la plupart des cas je suppose, le contexte de travail est fondamental pour pouvoir apprécier son métier. Le contexte d’enseignement au secondaire a beaucoup changé depuis une quinzaine d’années. Tous ces changements ont rendu l’exercice de mon métier de plus en plus difficile pour moi et pour un grand nombre d’enseignants du secondaire que j’ai côtoyés.

Extrait de La traversée du miroir :
[…] – J’ignorais que je recevais à dîner, déclara Alice, mais si c’est le cas, je pense que c’est à moi d’inviter les convives.
– Nous vous avons donné l’occasion de le faire, riposta la Reine Rouge. Mais j’ai l’impression que vous n’avez pas encore suivi beaucoup de cours de savoir-vivre !

– Le savoir-vivre ne s’apprend pas en cours, dit Alice. En classe, on apprend à calculer, ce genre de choses. […]

Lewis Carroll, La traversée du miroir et ce qu’Alice trouva de l’autre côté (Paris : Édition Générale Française, 2009), page 274. Édition et traduction de Laurent Bury. Illustration : Sir John Tenniel.

La grande réforme

Chez nous, une grande réforme ou un renouveau pédagogique de l’enseignement primaire et secondaire (onze premières années d’école) a pris place graduellement, à partir de l’an 2000. Il y a eu de grands changements dans le contenu de la plupart des matières et dans la façon de les enseigner. Ces changements furent plus ou moins importants, selon les champs d’enseignement touchés.

En formation de la personne, les cours ont été entièrement transformés : un cours dÉthique et culture religieuse (ECR) est venu remplacer tous les cours et surtout les contenus de cours précédemment enseignés. L’orientation scolaire et professionnelle de même que la plupart des contenus reliés au développement personnel (drogues, sexualité, etc.) ont disparu des programmes. Ils ont été remplacés par une exploration systématique (de l’école primaire à la fin du secondaire) des grandes religions (et autres points de vue philosophiques) et des questions éthiques.

ECR et le débat de société

Ce nouveau cours d’ECR est largement issu d’un grand débat de société qui avait lieu à ce moment-là chez nous et qui concernait la place du religieux dans l’espace public. Comme il s’agissait là d’un sujet très sensible pour une vaste majorité de personnes, la conception de ce cours a été beaucoup retardée et son implantation s’est faite avec huit ans de retard par rapport aux autres cours qui avaient été implantés, une année scolaire à la fois. Le débat de société ayant donné naissance à ce cours est encore très ouvert, et ce dans presque toutes les sociétés modernes. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner de constater que ce cours soit encore remis régulièrement en question, quelque dix années après son implantation !

La formation des enseignants liée à ce renouveau pédagogique a été minimaliste (quelques jours !) et généralement insuffisante. Évidemment, plus les contenus de cours étaient transformés et plus ladite formation s’avérait insuffisante. Imaginez un peu le défi qu’a représenté l’enseignement du nouveau cours d’ECR pour les enseignants qui avaient, pour la plupart, tout à apprendre du nouveau programme, et ce au fur et à mesure qu’ils l’enseignaient ! Si vous le pouvez, imaginez aussi ce que les enseignants des dernières années du programme d’ECR (fin du secondaire) eurent à faire comme pirouettes pour adapter un programme qui aurait dû être implanté (comme tous les autres) une année à la fois et dont les élèves concernés n’avaient donc aucunement acquis les compétences préalables aux dernières années du programme ! Si vous avez de la difficulté à imaginer, je vous comprends, car la plupart de mes collègues d’infortune (!) ont dû déployer des trésors d’imagination pour traverser ce désert pédagogique !

Imagination et Gaudi (Casa Batllo). Photo : Benoît Guérin, 2017.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, à la source du cours d’ECR se trouvait un débat de société bien nourri. Ce débat concernait principalement ce que l’on nomme les accommodements raisonnables. Il surgit un peu partout, dans le domaine public (principalement dans des milieux de travail) où des demandes d’aménagement spécifiques à certaines religions (lieux ou heures de prière, congés particuliers, etc.) sont formulées. Dans plusieurs cas, on se demandait si de tels accommodements pour des motifs religieux étaient raisonnables. Une commission spéciale étudia longuement la situation en consultant la population et fit ses recommandations. Bien peu de celles-ci furent toutefois mises en œuvre et, tel qu’on pourrait s’y attendre, la situation perdure.

D’ailleurs, à notre époque, de tels débats sociaux ne sont pas exclusifs à ma société et ils ont lieu un peu partout. Évidemment, l’éducation ne peut pas précéder les choix de la population et le cours d’ECR ne pourra jamais servir de lieu pour trancher le débat social ou même pour l’atténuer. Dans ce contexte, c’est à tout le moins curieux que l’on ait cru bon joindre l’éthique à la culture religieuse dans un même cours. À moins qu’il ne s’agisse d’un genre d’acte manqué par lequel les décideurs de l’éducation auraient naïvement souhaité que se fassent sur les bancs d’école des débats que l’on n’osait même pas faire chez les adultes. Évidemment, on peut espérer que l’exploration simple des religions permette une plus grande ouverture d’esprit à leur égard, mais il s’agit là d’un bien grand vœu pieux, me semble-t-il. On peut en effet créer plus de fermeture d’esprit en explorant superficiellement les religions et si on les explorait profondément, certains pourraient probablement crier à l’incitation au religieux.

Dans le contexte à tout le moins délicat d’implantation de ce nouveau cours, j’ai donc déployé toute la créativité dont je suis capable pour développer – graduellement – des contenus de cours qui rencontre à la fois les critères du programme et les intérêts de mes élèves. Je crois que j’y suis assez bien parvenu, mais cela ne s’est pas fait sans heurts et sans une diminution de tâche (et de rémunération) que j’ai pu réinvestir pour conserver ma joie d’enseigner (😊) et élaborer des cours à la hauteur.

Le secteur public régulier : parent pauvre de l’éducation

En ce qui concerne le contexte d’ailleurs, un autre aspect fondamental est aussi venu ajouter à la difficulté de maintenir un enseignement de grande qualité. Les conditions dans lesquelles nous avions à enseigner étaient de plus en plus difficiles.

D’abord et avant tout, les groupes dits réguliers le sont de moins en moins. L’époque est à créer des programmes spéciaux comme l’école internationale ou les profils sport-études et tous ces programmes drainent systématiquement, et de plus en plus, la riche diversité qui était autrefois le lot de l’école secondaire régulière. Les élèves très motivés ou aimant beaucoup l’école proviennent généralement de milieux ou les parents sont très impliqués et supporteurs. Ces parents sont souvent à l’affut des programmes qui pourraient le mieux possible convenir à leurs enfants et s’assurent de les y inscrire.

L’exode de la riche diversité du secondaire régulier est aussi accentué par un grand financement public de l’école privée qui diminue les coûts d’inscription et augmente d’autant l’achalandage.

Pour empirer encore la situation, les élèves qui ne satisfont pas les critères plus stricts des programmes particuliers ou des écoles privées sont systématiquement retournés au secondaire régulier !

Évidemment, il ne faut pas oublier non plus que la majorité (ou la totalité !) des élèves ayant des difficultés plus grandes d’apprentissage ou de comportement restent au secteur régulier. Des ressources professionnelles ont été ajoutées pour les soutenir, mais elles s’avèrent nettement insuffisantes.

En complément : Au Québec, la structure des écoles secondaires contribue à reproduire les inégalités sociales, selon le professeur Pierre Canisius Kamanzi de l’Université de Montréal, 2019.

Ci-dessous: École de la Sagrada Familia, de Gaudi. Photos : Benoît Guérin, 2017.

Du secteur régulier à l’adaptation scolaire

Au début de ma carrière de prof, pendant 10 ans, j’ai principalement enseigné en adaptation scolaire un cours de Préparation au marché du travail. Il s’agissait de groupes d’élèves (16-18 ans) avec des difficultés d’apprentissage ou de comportement (on dit maintenant « d’adaptation ») qui avaient 2 années de retard ou plus. À ma polyvalente, ce secteur se nommait Cheminement individualisé (CI). Les groupes étaient composés d’autour de 20 élèves et bénéficiaient d’un fort appui professionnel de techniciens en éducation spécialisée (TES) et de psychoéducateurs.

Quelques années avant l’implantation de la réforme pour la dernière année du secondaire (2008), j’ai transféré au secteur régulier pour y donner un cours de Pensée humaine (ancêtre du cours d’ECR, à cette école) en 5e secondaire. J’ai eu droit à une très agréable surprise quand en arrivant devant ces classes régulières — d’autour de 32 élèves au lieu des 20 en adaptation scolaire — je n’avais que très peu à intervenir, afin d’obtenir un climat de travail agréable. Wow ! Après toutes mes années en CI, j’ai beaucoup apprécié pouvoir me concentrer plus sur le contenu des cours que sur les problèmes de comportement. Ce fut de courte durée. Quelques années tout au plus et… les classes supposément régulières se sont mises à ressembler de plus en plus à mes classes d’adaptation scolaire, mais… 50 % plus nombreuses ! ☹

Lorsque la réforme a été mise en place, l’un des axes implantés constituait à réintroduire le plus possible les élèves en difficulté dans les classes ordinaires ou régulières, à l’aide d’un support approprié de professionnels. Cette mesure visait à faciliter l’apprentissage et l’insertion sociale, et cela sans nuire aux droits des autres élèves. À ce propos, la réforme misait évidemment sur l’émulation suscitée par la diversité des classes ordinaires. Paradoxalement et parallèlement toutefois, l’école publique favorisait de plus en plus l’implantation des programmes particuliers (mentionnés plus tôt), en diminuant d’autant la diversité desdites classes !

Ce contexte contradictoire a entrainé l’avènement de classes de moins en moins ordinaires et de plus en plus chargées d’élèves en difficultés. Qui plus est, la plupart des élèves avec des troubles de comportement plus importants n’étaient même plus « cotés », car les méthodes pour élaborées ces cotes ont été complexifiées à outrance. Cet instrument constituait une reconnaissance des problématiques accrues, diminuait d’autant le nombre d’élèves par classe et assurait un support systématique par les professionnels associés.

Par ailleurs, le nombre de plans d’intervention par classe (obligatoires pour les élèves en difficulté avec la réforme) a explosé en entrainant une surcharge tant pour les enseignants que pour les professionnels travaillant en support.

Pour ajouter au caractère surréaliste de la situation, l’organisation du renouveau pédagogique a ouvert la porte à laisser les élèves en situation d’échec graduer d’une année scolaire à la suivante. Dans plusieurs matières, cela a augmenté de façon importante les difficultés à enseigner adéquatement la matière d’un niveau à des élèves qui sont de facto de niveaux différents !

L’école du village. Albert Anker, 1896.

La dégradation des conditions de travail des enseignants

Ensuite, pour ajouter encore au contexte d’enseignement de plus en plus difficile et exigeant au secondaire, les dernières années ont vu s’installer largement un contrôle de plus en plus serré de l’horaire des enseignants. Autrefois, une plus grande partie des heures de travail sans cours (préparations, corrections, etc.) étaient organisées à la discrétion des profs, mais des réunions de plus en plus nombreuses sont venues remplir les temps auparavant dédiés à la préparation des cours. Est-il besoin de préciser que dans contexte de mise en œuvre du renouveau pédagogique, cela s’est avéré particulièrement néfaste !

Plusieurs des multiples réunions avaient pour but de soutenir les enseignants ou de les rendre plus performants. Les enseignants, pour la plupart en surcharge de travail dans le contexte d’implantation du renouveau pédagogique et de l’érosion de la diversité des groupes, ne prisent évidemment pas ces « formations » peu ou pas adaptées. La plupart de mes collègues et moi-même aurions préféré que soit offert un support personnalisé – sur demande – aux enseignants concernés. Le précieux temps ainsi récupéré aurait pu être investi de façon optimale tant par les enseignants que par les directions qui ont à élaborer ces réunions alors qu’ils ont tant d’autres tâches difficiles à accomplir.

Non seulement les réunions se sont multipliées en amputant d’autant le temps de préparation, mais une bonne partie des heures restantes furent aussi contrôlées par les directions qui avaient « gagné » (lors de la négociation liée à l’équité salariale) le droit d’assigner les enseignants à leur bureau ou à l’école (temps assigné ou TA). Imaginez-vous un peu, surchargé de travail dans un contexte difficile, et obligé de faire celui-ci dans une salle de profs bruyante et mal équipée (ordinateurs et autres) où plusieurs ont de la difficulté à corriger, à planifier ou à réinventer leurs cours !… ☹

Beaucoup d’enseignants qui ont connu des années plus enrichissantes, tant pour eux que pour les directions et les élèves, ont relevé des défis colossaux ces dernières années et ils le font toujours. Je lève mon chapeau à tous les profs qui s’évertuent à donner des cours inspirants pour nos élèves dans ce contexte difficile ! Je salue aussi les directions qui naviguent habilement pour éviter les écueils nombreux qui apparaissent dans ces circonstances : réunions peu utiles et ajoutant aux surcharges de travail, assignations contraignantes et contre-productives des enseignants, etc. J’invite nos dirigeants, et en particulier ceux du domaine de l’éducation, à soulager le plus possible les enseignants des contraintes administratives, afin qu’ils puissent se consacrer entièrement à la préparation des meilleurs cours possible pour les élèves.

L’École d’Athènes. Raphaël, 1509-1510.

Des pistes de solutions

Ultimement, nos dirigeants pourraient s’évertuer à trouver des chemins aptes à assurer la remise en place d’une école secondaire régulière diversifiée. Ils pourraient, par exemple, travailler à l’élaboration d’autres programmes particuliers jusqu’à, éventuellement, généraliser l’inclusion dans de tels programmes pour chacun des élèves de nos écoles. De même, il est permis d’imaginer la mise sur pied d’écoles où tous les programmes seraient soumis aux mêmes règles. Des écoles où il n’y aurait plus de programmes supposément réguliers pour héberger les laissés pour compte de nos organisations scolaires ou les élèves rejetés des programmes particuliers et des écoles privées. De telles écoles ne prêteraient plus flanc à l’actuelle discrimination qui sévit malencontreusement…

En attendant de rétablir un modèle d’école publique diversifié, il faut s’assurer de prendre des mesures atténuantes pour les classes dites ordinaires : augmenter de beaucoup le support des professionnels associés, diminuer le nombre d’élèves par classe significativement (jusqu’à 50 % trop élevé dans les circonstances actuelles !), cesser la graduation d’une année à l’autre en cas d’échec et… faire un mea culpa public de la part des autorités ministérielles peut-être… (on peut bien rêver un peu ! 😊)

Par ailleurs, les familles des élèves peuvent aussi jouer un rôle important dans une transition vers des écoles publiques plus agréables à fréquenter et plus performantes. Il y a plusieurs décennies maintenant, les familles étaient beaucoup plus grandes. On y retrouvait régulièrement cinq, six ou sept enfants et les parents savaient bien ce qu’il en était de l’éducation dans un grand groupe. Ainsi, sachant d’expérience qu’un éducateur dans un tel groupe ne peut pas donner toute l’attention qu’il voudrait à chacun des enfants, ils appuyaient généralement presque inconditionnellement le travail des enseignants. En tout cas, mes parents à moi me remettaient systématiquement la responsabilité de mes problèmes à l’école et… ils avaient bien raison ! Ils savaient bien qu’un tel milieu ne peut être parfaitement personnalisé, et qu’il me revenait à moi d’apprendre à faire avec toutes les situations, plus rigides, que le fonctionnement en grand groupe exige. Aujourd’hui, comprendre les particularités de l’éducation de dizaines ou même de centaines d’enfants pour un seul enseignant peut relever du défi pour les parents ! C’est toutefois un défi incontournable tout autant pour diminuer les pressions indues sur certains enseignants que pour maximiser, ultimement, l’ambiance et la performance de nos écoles !

Je ne sais pas si c’est le contact avec Béatrice et son projet bien réel, qui pourtant touche la cime de montagnes souvent associée aux rêves, aux projets utopiques ou à je ne sais trop quelle autre lubie, mais… ça fait du bien d’au moins oser projeter dans le futur des écoles plus solidaires où l’on n’édifierait pas les avenues des uns en utilisant les pierres pavant les chemins des autres ! 😊

Parc national du Gros-Morne. Photo : Benoît Guérin, 2007.

En complément : Un mal profond en éducation, Samuel Massicote, Le Devoir (Libre opinion), 16 février 2019.

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4 commentaires à propos de “10. Méditation sur l’enseignement”

  1. Bravo pour ton survol du monde de l’éducation, notamment celui de la fin du secondaire. Tu reflète assez bien mes propres perceptions du cours d’ÉCR qui est encore questionné par plusieurs. Pour ma part, je considère que ce cours a encore sa pertinence pour sensibiliser les jeunes de nos écoles aux enjeux éthiques et religieux de notre époque. Je suis particulièrement fier de constater que le championnat du débat que j’avais contribué à mettre en place Quand j’étais conseiller pédagogique survit toujours grâce aux personnes qui contribuent à le réaliser chaque année, notamment le personnel enseignant en ÉCR de 4e secondaire et à la conseillère pédagogique qui a pris ma relève.
    Je souscris à ton souhait d’avoir des écoles publiques diversifiées et solidaires. Au plaisir !

    • Salut François,
      Bien du travail reste à faire pour améliorer nos écoles, n’est-ce pas? Je suis toutefois encouragé par les mobilisations citoyennes de plus en plus présentes qui s’organisent souvent à travers Facebook : le collectif Debout pour l’école, La planète s’invite à l’école, Enseignants et enseignantes du Québec et, en particulier, Profs en mouvement qui est très actif et dont le Manifeste des enseignants et enseignantes de l’école publique 2018 contient plusieurs témoignages de profs et des pistes de solution très pertinentes.
      Par ailleurs, concernant le cours d’ECR, je crois surtout que l’aspect éthique est incontournable. L’éthique concernant les écarts de richesse, celui à propos de notre impact sur les autres êtres vivants et, bien sûr, tous les questionnements concernant le vivre ensemble avec nos différences : de genres, de croyances (dont les religions), d’apparences, etc.
      Plus généralement, j’estime urgent d’envisager et mettre en place des solutions pour soulager le secteur « régulier » de nos écoles publiques : diversité, support professionnel et mise en place d’un fonctionnement aussi enviable que celui des programmes dits particuliers (international, sports-études, etc.)
      Finalement, dans tous ces processus, si l’on pouvait s’assurer de bien consulter les milieux avant d’agir et, lorsque nécessaire, de faire des changements à un rythme décent (pas comme l’implantation des garderies 4 ans à la sauvette, telle qu’envisagée actuellement!), ce serait déjà un bien meilleur gage de succès, me semble-t-il.
      Bien vaste champ de réflexion !…
      Au plaisir !

  2. Bonjour Benoit!!!! Ton survol de la belle profession d’enseIgnant, me donne envie de retourner dans une classe….. C’est vrai que les conditions de travail ont beaucoup changées mais ça demeure la plus belle profession du monde !!!!🌈🌈🌈

    • Salut Pierre!
      Je suis bien d’accord que l’enseignement est l’un des plus beaux métiers du monde. Je crois toutefois que les conditions d’enseignement actuelles, à l’école publique dite régulière ou ordinaire – à tout le moins – , ne sont vraiment pas propices à l’exercice de notre métier dans les règles de l’art. Bien loin de là, hélas!…
      J’espère que tous les mouvements citoyens engagés pour l’amélioration de la situation favoriseront l’aboutissement des changements nécessaires à ramener rapidement une école régulière de qualité pour tous… 🙂

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