6. Petit matin de mars : entre douceur et froidure


En ce petit matin de mars, je prends le métro – qui est surchargé comme d’habitude ! – pour me rendre à mon café de prédilection : grand espace, café bio et équitable, service chaleureux et bonne ambiance de travail détendue. J’y rencontre régulièrement quelques habitués avec qui j’échange un peu, selon les disponibilités de chacun. Ces personnes, de même que plusieurs des employées du café, sont devenues, peu à peu, des relations fort agréables ! 😊 Lors de mes dernières années d’enseignement, ce café était une prolongation de mon lieu de travail. J’y planifiais mes cours, corrigeais et me ressourçais régulièrement. Aujourd’hui à la retraite, cet endroit est devenu un de mes principaux lieux de travail, et ce en partage avec mon bureau à la maison ; c’est mon café-bureau ! J’y écris, planifie certaines activités et lis assidûment sur divers sujets allant de l’actualité à l’histoire, de l’horticulture à la philosophie ou de la politique à l’astrophysique. Il y a tant à explorer pour repousser les frontières de mon ignorance !… 

Assis au fond de la première section du café, je regarde dehors. On annonce une bonne tempête de neige pour les heures à venir : 30 à 40 centimètres avec de la poudrerie ! Les premiers flocons tombent déjà… C’est un classique du mois de mars. Une période où alternent généralement les journées à saveur printanière, les jours de grands froids et une ou deux grosses chutes de neige.

Ombres de mars. Photo : Benoît Guérin, 2018.

Les belles idées échangées avec Béatrice me reviennent en mémoire ou plutôt, elles émergent comme un parfum particulier. Habité par cette sensation, j’observe les personnes qui m’entourent dans le café. Ils sont d’un grand éventail d’âges, de la jeune vingtaine jusqu’aux tranches de la vie les plus avancées. Quelques-uns semblent en congé de travail : journée de repos et de douces errances. La plupart des gens toutefois semblent occupés à leur gagne-pain ou à leurs divertissements de retraités. Cela me rend songeur. Bien peu de gens ont le temps ou… prennent le temps de s’occuper, d’une façon ou d’une autre, des grands défis de notre époque : cesser la détérioration prononcée de notre environnement et en prendre soin ; diminuer drastiquement les écarts de richesse et les autres grands problèmes sociaux : violence, racisme, sexisme, etc.

Voir plus large : l’importance de la perspective

Évidemment, tout cela dépend de l’endroit où l’on regarde. Je sais bien que des milliers de personnes ailleurs qu’au café s’occupent en ce moment même à des tâches humanitaires ou environnementales. Je sais que des centaines d’organismes à but non lucratif œuvrent ainsi de par le monde. Je suis donateur mensuel et membre de plusieurs d’entre eux comme un très grand nombre d’autres personnes. J’ai avantage à élargir ma vision avant de juger en fonction de mes états d’âme !…  

Santé sociale et environnementale : les dons virtuels réguliers

L’émergence, depuis quelques dizaines d’années, de cette possibilité de faire facilement des dons mensuels pour financer le fonctionnement des organismes a de quoi me réjouir. Je suppose que le développement sans cesse plus performant des transactions virtuelles par internet y est pour beaucoup. C’est maintenant tellement facile de déposer automatiquement 5, 10 ou 50 dollars par mois dans les organismes de notre choix. Par dépôt bancaire ou via les cartes de crédit, aucun souci, nous contribuons régulièrement aux causes qui nous tiennent à coeur et pas seulement lorsqu’on y pense ou lors des grands événements dramatiques. C’est une énorme facilitation du financement des œuvres liées à ce que la très grande majorité des spécialistes en environnement ou en travail social considèrent comme essentiel.

Il faut dire que les gouvernements, auxquels nous contribuons obligatoirement via nos taxes et nos impôts, sont très instables en matière d’investissements environnementaux ou humanitaires et ceux-ci sont en général largement insuffisants. Un gouvernement se soucie un peu plus de ces problématiques et celui qui suit, quatre ou cinq ans plus tard, peut défaire toutes les mesures en place ! Nos gouvernements obéissent aux règles fixées par l’économie néolibérale mondiale : conditions de travail et règles environnementales les plus minces possible, bas impôts pour les plus riches et les grandes entreprises, etc. Tout pour maximiser les profits de ces grandes sociétés qui font la loi à l’échelle de la planète ou qui ramassent la vaste majorité des bénéfices liés au travail humain et à l’exploitation de l’environnement. Les fameux milliardaires du projet de Béatrice, mais aussi des milliers d’autres individus et entreprises qui engrangent des bénéfices faramineux !

Je sais très bien qu’il n’y a pas que ceux et celles qui accumulent de grandes richesses qui sont responsables des problèmes de notre temps. Une grande majorité d’entre nous rêve de richesse ou d’une vie d’abondance : voyages diversifiés et nombreux, automobiles de luxe ou belles grandes demeures, exploration régulière des meilleurs restaurants, grands jardins fleuris et spas dans la cour arrière, etc.

Chacun sa recette d’abondance, ses fantaisies ou ses rêves, mais tout cela se conjugue souvent dans l’opulence ! Béatrice a tellement raison de vouloir interroger et défier en priorité cette envie assez généralisée d’une vie luxuriante…

L’attrait de la tour. Photo : Benoît Guérin, 2015. Sculpture : Apollon musagète, Henri Bouchard, 1937, Palais Chaillot.

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4 commentaires à propos de “6. Petit matin de mars : entre douceur et froidure”

  1. Je reconnais la justesse de ton point de vue quand tu écris qu’une « grande majorité d’entre nous rêve de richesse ou d’une vie d’abondance : voyages diversifiés et nombreux, automobiles de luxe ou belles grandes demeures, exploration régulière des meilleurs restaurants, grands jardins fleuris et spas dans la cour arrière, etc. »
    Je ne partage pas ces rêves. J’essaie de me contenter de peu, car je trouve un sens à ma vie en dehors de la consommation à outrance. Je me console quand je vois des jeunes se mobiliser pour construire un monde meilleur. Les jeunes qui fréquentent l’anticafé Fougère de Saint-Jérôme vont dans ce sens. Je suis content de les côtoyer et de les soutenir dans leurs initiatives. Au plaisir !

    • Salut François,
      Le FOUGÈRE Anticafé me semble une fort belle initiative, en effet! Ils sont dans cette belle mouvance grandissante des espaces collaboratifs de coworking. Leur mission est inspirante et judicieuse. J’espère qu’ils auront le vent dans les voiles!… Je suivrai leur aventure…
      Il y a heureusement une multitude d’organismes qui œuvrent à améliorer la vie dans le monde. 🙂 Le contact avec toutes ces organisations solidaires ou environnementales est effectivement réjouissant et très nourrissant. Je crois que nous aurions grand avantage à faire beaucoup plus de place à leurs initiatives ou réalisations dans nos nouvelles quotidiennes et dans les programmations médiatiques, en général.
      On se reparle de tout cela, bien sûr, mon cher François! 🙂

  2. Dans ce billet, tu touches à l’implication des institutions gouvernementales et leur participation active éventuelle avec les intérêts du capitalisme extractif. Sujet qui m’interroge particulièrement comme ex fonctionnaire notamment. J’ai lu cet été le livre « Le mai 68 des Caraïbes » de Romain Cruse. Très éclairant sur le comment des défenseurs sincères de l’indépendance et de l’évolution sociale de leurs peuples ont embarqué dans la mouvance du développement et du progrès pour faire au final le lit de l’accumulation de richesses pour un très petit nombre. La Caraïbe : un laboratoire social multinational. D’après Cruse, les anciennes puissances coloniales continuent contre toute attente à injecter des fonds dans ces confettis d’îles essentiellement pour collecter des taxes sur la consommation ! Voir aussi le podcast édifiant et fort triste de « J’aime Hydro » https://ici.radio-canada.ca/premiere/balados/5060/jaimehydro écouté cet été en s’en allant dans le Nord. Le développement, une machine qui tourne à vide.

    • Salut Pascale!

      Merci pour ce commentaire, Pascale. Il y a là quelques filons très inspirants à creuser, comme ce podcast « J’aime Hydro » … … 😊

      Par ailleurs, lorsque tu soulignes dans ton exemple de la Caraïbe que le progrès annoncé a fait « au final le lit de l’accumulation de richesses pour un très petit nombre », je crois (tel qu’explicité dans ma réponse à ton premier commentaire au chapitre 4) que c’est là une défaillance très dommageable du capitalisme actuel et qu’il faut s’affairer avec diligence à colmater cette brèche ou plutôt, ce trou béant!

      À bientôt…

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